La Médaille de la Résistance française
Ch.-Ph. de Vergennes
La fin de l’année 1942 est marquée par le débarquement américain en Afrique du Nord en novembre, l’envahissement de la Zone Sud et le sabordage de la flotte à Toulon mais aussi par le ralliement de la Réunion à la France combattante. Le début de l’année 1943 voit la victoire des troupes du Général Leclerc, qui achèvent la conquête du Fezzan italien et en février, le Général De Gaulle reçoit Jean Moulin, désormais seul représentant du Comité National pour le Territoire Métropolitain, à qui il écrit :
« Je vous recommande de parler toujours très haut et très net au nom de l’Etat. Les formes et les actions multiples de notre admirable Résistance intérieure sont des moyens par lesquels la nation lutte pour son salut ».
C’est dans ce contexte et en ces moments qui marquent le tournant décisif de la seconde guerre mondiale que par ordonnance n° 42 du 9 février 1943 et par décret n° 774 du même jour, le Général De Gaulle, chef de la France combattante, président du Comité National crée la médaille de la Résistance française « destinée à reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l’empire et à l’étranger, auront contribué à la résistance du peuple français contre l’ennemi et contre ses complices depuis le 18 juin 1940 » (article 1 de l’ordonnance n° 42). Elle est décernée par le chef de la France combattante aux personnes et aux collectivités françaises qui ont :
- pris une part effective et exemplaire à la résistance contre l’envahisseur et ses complices sur le territoire national ;
- pris une part effective et importante au ralliement de territoires français à la France combattante ou rendu des services signalés dans l’effort de guerre de ces territoires ;
- joué un rôle éminent dans l’action des organisations de la France combattante à l’étranger ou dans la propagande destinée à grouper et à soutenir les forces de résistance ;
- rallié des troupes, des navires ou des avions dans des conditions exceptionnelles de difficulté ou de danger ;
- rejoint les forces françaises libres dans les conditions particulièrement dangereuses et méritoires.
(Article 2 de l’ordonnance précitée).
Le décret, quant à lui fixe les caractéristiques :
- de la médaille : en bronze, du module de 37 millimètres portant à l’avers un bouclier frappé de la croix de Lorraine avec en exergue : « 18 juin 1940 » et au revers : « Patria non immemor »,
- du ruban : noir traversé verticalement par deux bandes rouges latérales de 3 millimètres de large et quatre bandes de 1 millimètre, dont deux médianes espacées de 2 millimètres et deux intermédiaires distantes des médianes de 6 millimètres,
- du port : sur le côté gauche de la poitrine après la Légion d’honneur, la Croix de la Libération, la Médaille militaire, la Croix de guerre 1914-1918, la Croix de guerre 1939, la Croix de guerre des T. O. E., la Médaille des évadés1.
La médaille due au Capitaine Mella, comme la croix de la Libération, fut frappée chez Gaunt and Son, en bronze de patine anglaise. Elle correspond à la description fixée par le décret à l’exception – qui demeure valable pour tous les modèles de la médaille – de la date du 18 juin 1940 qui figure en chiffres romains : XVIII. VI. MCMXL., jugés sans doute plus solennels sinon plus esthétiques. Au revers, une banderole repliée porte en caractères inclinés sur trois lignes en relief l’inscription « PATRIA NON IMMEMOR »2. Le haut de la médaille se prolonge par un motif trapézoïdal avec la grande base vers le haut pour permettre le passage du ruban. De minimes différences – croix plus ou moins épaisse, poids, diamètre, chiffres romains et banderole de différentes hauteurs de même que les caractères – existent entre le modèle de Londres et celui « officiel » de la Monnaie de Paris3.
L’ordonnance du 7 janviers 1944 relative à l’attribution de la médaille de la Résistance française apporte quelques précisions ou compléments. Ainsi furent substituées aux motifs d’attribution décrits aux 1° et 3° du texte de création, les dispositions suivantes reproduites ci-après :
« 1° Pris une part spécialement active depuis le 18 juin 1940 à la résistance contre les puissances de l’Axe et leurs complices sur le sol ou en territoire relevant de la souveraineté française ;
…
« 3°Joué un rôle éminent à l’étranger dans la propagande et dans l’action des organisations destinées à grouper et à soutenir les efforts de la Résistance ;
… »
afin de prendre en compte les nombreux évènements survenus depuis la date de création ainsi que leurs conséquences de tous ordres.
Cette ordonnance fut modifiée par une ordonnance n° 45-2655 du 2 novembre 1945 qui dispose : « Lorsque la médaille de la Résistance est décernée avec attribution de la rosette, celle-ci, de couleur noir et rouge, est apposée sur le ruban », et ajoute un article 2 bis aux termes duquel « la médaille de la Résistance française peut, à titre exceptionnel, être décernée aux étrangers qui se sont distingués dans l’accomplissement des actes visés à l’article 1er (de l’ordonnance du 7 janvier 1945) ».
La création d’un grade4 répondait à la volonté de ne pas laisser sans récompenses des faits de résistance moins essentiels mais qui n’en demeuraient pas moins très méritoires en raison des risques courus et des services rendus, tout en maintenant les conditions d’attribution à un niveau très élevé.
D’ailleurs, dès l’origine, le Général De Gaulle avait prévu des modalités très strictes : la médaille sera décernée sur proposition d’un commissaire national5 et, sauf en cas d’urgence, une commission de quatre membres6 nommés par le chef de la France combattante, était appelée à examiner les titres des candidats dont les dossiers lui seraient transmis par les commissaires nationaux, puis à formuler son avis (articles 3 et 4 du décret n° 774) ; ces dispositions furent d’ailleurs reprises par l’ordonnance du 7 janvier 1944, étant précisé que la médaille serait décernée par décret et les membres de la commission désormais nommés par décret.
Cela étant, l’attribution fut suspendue par un décret du 16 janvier 1947, à compter du 1er avril 1947, ce délai étant cependant prolongé jusqu’au 31 décembre 1947 pour les faits de résistance accomplis en Indochine (décret du 30 décembre 1947).
A cette date, il y avait eu 48 000 nominations7 (dont 5 000 avec rosette) : 15 000 avaient été délivrées à titre posthume et 64 à des unités militaires, des villes, communautés et collectivités diverses (cf. tableau en annexe).
Depuis 1948, moins de 1 000 médailles furent à nouveau accordées à titre posthume comme le décret du 23 septembre 1950 relatif à l’attribution des décorations posthumes aux morts de la Résistance en offrait la possibilité.
Plus de cinquante ans ont passé, mais les titulaires de la médaille de la Résistance française aujourd’hui parmi nous sont là pour maintenir l’esprit qui justifia leur engagement et témoigner de cette fière devise gravée dans le bronze :
PATRIA NON IMMEMOR
Notes de bas de pages.
1 – L’ordonnance du 7 janvier 1944 relative à l’attribution de la médaille de la Résistance française (J.O. du 22 janvier 1944, page 70) dispose que la « médaille est portée… après la Légion d’honneur, la Croix de la Libération, la Médaille militaire et la Croix de guerre ».
2 – PATRIA NON IMMEMOR ou nuancer l’affirmation par une double négation, ce qui semble tout bien pesé s’apparenter à la litote, figure de rhétorique qui consiste à atténuer l’expression de sa pensée pour faire entendre le plus en disant le moins.
3 - Le lecteur se reportera à l’excellente étude de M. Robert Moreau, membre bienfaiteur de notre Société, in « Recueil d’articles de phaléristique » pp. 65 et s., édition Maison Plat, Paris. Paris 1991.
4 – Cf. « Ordres et décorations de France » M. Droit. Livre de Paris-Hachette 1981. Pp 177 et s. A noter en particulier p. 184 la reproduction d’une note du général de Gaulle à son en-tête sur laquelle il a écrit : « 6/9/45. Pour médaille de la Résistance. Le mieux est : 1/ Médaille de la R. avec rosette 2/ Médaille de la R., avec en bas de la note ses initiales C. G.
5 – R. Massigli (Affaires étrangères) ; René Pleven (Colonies), R. Cassin (Justice et Instruction publique), A. Philip (Intérieur et travail), A. Diethelm (Finances, Economie et Marine marchande), Général M. Valin (Guerre p.i. et Air), C. A. Ph Auboyneau (Marine), J. Soustelle (Information).
6 – R. Hettier de Boislambert, Bissaguet, P. Brossolette et J. E. Paris furent les premiers membres de cette commission.
7 – Cf. « L’admission dans les grands ordres de chevalerie aujourd’hui » par Michel André, Paris 1981, pp. 104 et s.
Notice biographique du colonel Charles Arnould
Né le 29 novembre 1901 à Toul, fils du capitaine Lucien Arnould mort au champ d’honneur en 1914, Charles Arnould appartient à cette catégorie de Français pour lesquels le service de la Patrie constitue une ardente obligation.
Saint-Cyrien, il entre à l’Ecole d’application des Chars de combat et c’est à la tête du 17ème Bataillon de chars qu’il fera campagne en 1939. En juin 1940, ce seront les combats sur la Marne, du Fort de Malmaison, le Cher et la Creuse. La Légion d’honneur lui est remise sur le champ de bataille. Puis ce fut l’armistice. Charles Arnould ne pouvait admettre la défaite. Il demande à servir en Afrique du Nord mais il est affecté à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence. Il prend des contacts avec la Résistance, cherche par tous les moyens à rejoindre Londres et tente sans succès de franchir les Pyrénées.
Après l’invasion de la zone libre, il gagne la zone interdite de Lorraine. En mars 1943 il s’engage dans le réseau Mithridate. Après le débarquement il reçoit l’ordre de rejoindre les Forces Françaises de l’Intérieur et prend le commandement du maquis de Grandrupt-les-Bains. Au début de septembre 1944, l’offensive alliée est ralentie. Les Allemands envisagent de stabiliser leurs positions dans les Vosges et d’y passer l’hiver, mais la présence des maquis les inquiète. Ils entreprennent alors de vastes opérations pour les détruire.
Le 7 septembre, ils attaquent en force le maquis de Grandrupt-les-Bains. Charles Arnould, chef du maquis et des F.F.I., se voit encerclé par une colonne de S.S. forte de 2000 hommes. Les Allemands font parvenir un ultimatum, le sommant de se rendre, sinon les villages de Grandrupt et Viomenil seront incendiés et leurs habitants déportés. Charles Arnould est arrêté les armes à la main. Interné à Epinal, il est acheminé avec ses hommes vers l’Allemagne en passant par les sinistres étapes de Shirmeck, Gaggenau, puis Dachau.
Sa carrière militaire reprise en 1945 dans les rangs de la 2e D.B. se termine par la remise sur le front des troupes en Algérie de la plaque de Grand Officier de la Légion d’honneur et de la Croix de la Valeur Militaire. Il sera élevé à la dignité de Grand-Croix le 21 mars 1961.
Il consacre sa retraite à ses camarades dans le cadre des associations d’Anciens combattants, Résistants et Déportés, et au culte des traditions nationales. De 1972 à 1986, il sait être le président dévoué, compétent, assidu de l’Association nationale des médaillés de la Résistance française, capable de sacrifier son temps et ses intérêts à la mission de celle-ci.
Le colonel Charles Arnould meurt le 24 octobre 1987 et ses funérailles sont célébrées au Val-de-Grâce le 29 octobre.