Les croix et plaques de l'ordre du Saint-Esprit

 

 

par Charles-Philippe de Vergennes

 

 

 

Fig. 21 : Croix de chevalier commandeur de l'ordre du Saint-Esprit de Monseigneur du Coëtlosquet, or et émaux, ruban, vers 1776, MLHOC, Cliché Aldi Vacchina

 

 

 

Les statuts de l'Ordre du Saint-Esprit décrivent en leurs articles 84 et 85, les plaques et croix de l'Ordre, et la manière de les porter :

 

LXXXIV : Tous lesdits Prélats, Commandeurs et Officiers, porteront à jamais la Croix cousuë sur le côté gauche de leur manteaux, robes et autres habillements de dessus : Nous seul et nos successeurs la porterons aux habillements de dessous au milieu de l'estomac, quant bon nous semblera, et en ceux de dessus au côté gauche, de mesme grandeur que lesdits Commandeurs. Elle sera faite en la forme d'une Croix de Malte en broderie d'argent, au milieu de laquelle il y aura une colombe figurée, et aux angles, des raies et fleurs de lys, aussi en broderie d'argent, de la grandeur, et selon le portait que nous en avons fait faire.

 

LXXXV : Lesdits Cardinaux, Prélats, Commandeurs et Officiers, porteront aussi une croix dudit Ordre, pendante au col à un ruban de soie de couleur bleue céleste, ladite croix aussi faite en forme de celle de Malte, toute d'or, émaillée de blanc avec les bords, et le milieu sans émail. Dans les angles il y aura une fleur de lys, et sur le  milieu ; ceux qui seront chevaliers de l'Ordre de Saint-Michel porteront la marque dudit Ordre d'un côté, et de l'autre, une colombe, qui sera portée des deux côtés par lesdits Cardinaux et Prélats, et ceux qui ne seront dudit Ordre de Saint-Michel.

 

 

 

La description de la croix doit être complétée à l'examen des insignes parvenus jusqu'à nous : celle-ci, comme son centre, est en effet flamboyée d'émail vert au milieu, de même que dans la majorité des cas, la colombe est réalisée en émail cloisonné, étant précisé que les exemplaires de croix portant en leur centre la représentation du Saint-Esprit en émail peint au naturel ont été vues en ventes publiques.

 

Nous référant à la remarque du comte de Pierredon dans son ouvrage Contribution à l'histoire des Ordres de mérite, sur les insignes de l'Ordre de Saint-Louis, assigner une date certaine à une croix de Saint-Esprit se révèle difficile, à défaut de pouvoir la situer par sa provenance ou de disposer d'une étude approfondie sur les procédés et techniques de fabrication employés du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle.

 

D'une manière générale, les croix étaient d'un diamètre de 70 millimètres (+ ou - 2), certaines d'entre elles pouvant atteindre jusqu'à 75 millimètres, ou au contraire se limiter à 60 millimètres.

 

Cela étant, les croix ne différaient que pour les prélats qui portaient la colombe des deux côtés.

 

De même, si statutairement la croix est portée en sautoir suspendue à un ruban de soie de couleur bleu céleste, l'usage durant le règne de Louis XIV ne conserve cette disposition que pour les seuls prélats, les chevaliers commandeurs la portant suspendue à un ruban passé en écharpe sur l'épaule de droite à gauche. Il est à noter que dans le texte du 12 janvier 1665 portant statut et ordonnance pour le rétablissement de l'Ordre de Saint-Michel, l'article 9 dispose que « (...) la croix dudit Ordre (...) sera portée en écharpe avec un ruban noir ».

 

Les statuts emploient le terme de « croix cousue » alors que celui de « plaque » n'apparaît que beaucoup plus tard au moment de la création de la Légion d'honneur et de l'institution de la Grande Décoration ou Grand Aigle en 1805.

 

A la restauration cependant, le terme de plaque finira par prévaloir et figurera explicitement dans l'instruction du 5 mai 1824 : « L'Ordre du Saint-Esprit a un large ruban de soie moirée, bleu céleste, avec plaque en argent et croix à huit pointes anglées de fleurs de lys, représentant une colombe au milieu ».

Sous l'ancien régime donc, la « plaque » se présente sous la forme d'une croix en broderies de cannetille, paillettes et sequins d'argent, le bec de la colombe brodé de soie rouge.

 

Si les croix cousues sur le grand manteau atteignent 280 millimètres, celles du petit manteau sont de 180 millimètres (190 maximum). Par contre, celles prévues pour être cousues sur les habits se situent entre 90 millimètres pour les plus petites et 120 millimètres pour les plus grandes.

 

Sous la Restauration, à côté des croix cousues apparaissent des plaques métalliques en argent ciselé qui soit reprennent le modèle traditionnel de l'Ancien Régime, soit l'interprètent : ainsi en est-il par exemple de la plaque ayant appartenu à Claude-Louis, duc de La Châtre, pair de France, chevalier du Saint-Esprit le 30 septembre 1820 (13e promotion), mort le 13 juillet 1824 sans avoir été reçu. Ce modèle d'un diamètre de 91 millimètres, passé en vente publique à Paris en 1990, était entièrement repercé, à pointes métalliques diamantées. Il se rapprochait tout à fait de la plaque du Saint-Esprit vissée sur le côté gauche du plastron de la cuirasse ayant appartenu au duc d'Angoulême.

 

Enfin, cette brève présentation ne peut se terminer sans l'évocation des croix et plaques de l'Ordre du Saint-Esprit de la parure blanche, d'une part, de la parure de couleur, d'autre part, qui faisaient partie des « joyaux de la Couronne de France », et dont rien ne subsiste aujourd'hui, sinon la description (et les dessins de reconstitution) que l'on peut trouver dans le très bel ouvrage de Bernard Morel, paru en 1988 chez Albin Michel avec le concours du fonds Mercator. De même, y figure une plaque offerte par Louis XV à un membre de la famille de Bourbon-Parme, entièrement sertie de quatre cents brillants sur argent, et qui, depuis 1953, est la propriété du musée du Louvre.

 

Quant bien même la richesse de ces bijoux pouvait paraître fort éloignée du symbolisme fondamental de la croix à huit pointes, leur splendeur témoignait de la force, de la vitalité et du prestige de cet ordre privilégié de la Maison royale de France.

Fig. 22 :

Plaque d'habit de l'ordre du Saint-Esprit, XVIIe siècle, broderie argent et fils de soie.

Plaque d'habit ayant appartenu à Louis XVI, XVIIIe siècle, broderie d'argent, canetille et paillettes. Coudray.

Plaque d'habit, époque Restauration, broderie d'argent, canetille et paillettes.

Plaque d'habit métallique, époque Restauration, argent ciselé, MLHOC, cliché Antoigne Lorgnier.

 

 

 

 

Fig. : 23 :

Plaque d'habit d'enfant ayant appartenu au dauphin, futur Louis XVII, broderie d'argent, canetille et paillettes, MLHOC.

Plaque d'enfant royal, époque Restauration, argent ciselé, coll. Robert Moreau.

Cliché Antoine Lorgnier.