Les marques d'honneur du Royaume de Westphalie 1809 - 1813
Jacques Declercq
En conséquence des traités signés à Tilsitt les 7 et 9 juillet 1807, Napoléon organisait, par décret impérial en date du 18 août suivant, le royaume de Westphalie dont il allait donner la couronne à son frère cadet Jérôme (Ill. 1), bientôt âgé de 23 ans.
Le 15 novembre 1807, l’Empereur promulguait la Constitution du nouveau royaume qui était publiée le 7 décembre suivant1.
Connaissant les difficultés qu’avait éprouvées son frère Louis, roi de Hollande, du fait de l’opposition de l’Empereur à son projet de fondation d’un ordre en Hollande, le roi Jérôme se montra relativement patient dans son désir de créer lui aussi un ordre de mérite pour son jeune royaume.
Jérôme ronge son frein pendant plus d’un an avant de créer, non pas un ordre, mais une médaille d’honneur pour récompenser ses soldats.
La Médaille d’honneur du royaume de Westphalie2
Le 17 juin 1809 paraît un décret royal, pris au palais de Cassel, portant qu’il sera accordé une médaille d’or ou d’argent, avec une pension, aux sous-officiers ou soldats qui se seront distingués par leur conduite et leur bravoure3.
Les bénéficiaires seront désignés par un conseil présidé par le Roi et les décorations seront remises en son nom par un officier général en présence du corps auquel ils appartiennent.
Ces médailles, dans leur premier modèle (Ill. 2), sont rondes, d’un diamètre de 34 mm4 ; elles présentent, à l’avers, deux glaives passés en sautoir, entourés d’une couronne de laurier, certaines entourées d’une frise décorative5 ; le revers porte dans le champ la devise « FÜR TAPFERKEIT UND GUTES BETRAGEN6 » soutenue dans le bas par deux palmes.
Ce modèle fut rapidement modifié en une médaille ovale (Ill. 3) dont l’avers montre, dans une couronne de chêne et de laurier, sous la couronne royale, le chiffre du fondateur « H.N. » et en-dessous, la date 1809. Au revers, on voit un trophée d’armes constitué d’une cuirasse dans laquelle passe une massue supportant un casque à l’antique, de deux drapeaux, d’une lance avec son fanion, d’un canon de fusil avec sa baïonnette, de deux bouches à feu et de deux tas de six boulets7. Autour, l’inscription: « FÜR TAPFERKEIT UND GUTES BETRAGEN ».
La médaille était suspendue au côté gauche de la poitrine, à hauteur de la troisième boutonnière par un ruban bleu pâle bordé de blanc.
Un brevet en parchemin accompagne la décoration.
La médaille d’argent est accordée aux sous-officiers et soldats dont la conduite a été exemplaire pendant dix ans, ce temps n’étant pas exigé pour ceux qui auront commis une action d’éclat en temps de guerre. La médaille d’or sera accordée après trente ans de service ou à la suite d’une action d’éclat digne de cette distinction.
Une pension de 50 francs par an était versée aux décorés de la médaille d’argent et une de 100 francs aux décorés de la médaille d’or.
Ces médailles orneront la poitrine de militaires qui ont combattu aux côtés des troupes impériales tant en Espagne, où a combattu une division westphalienne, qu’en Russie où les pertes westphaliennes furent lourdes ; des médailles récompensèrent également ceux qui se sont distingués par leur zèle, leur bravoure et leur exactitude à remplir leurs devoirs dans les difficiles circonstances de l’invasion de la Westphalie par les Alliés en 1813.
Les médailles ovales mesurent de 36 mm X 32 mm à 38 mm X 33 mm.
Les médailles ovales mesurent de 36 mm X 32 mm à 38 mm X 33 mm.
Il y a des coins différents pour les médailles ovales qui fournissent des exemplaires avec des tas de six ou de sept boulets et d’autres variantes dans la couronne de l’avers, dans les chiffres du millésime 1809 :
6 boulets |
7 boulets |
Bâton lisse derrière la cuirasse pour supporter le casque |
Bâton noueux derrière la cuirasse pour supporter le casque |
Renfort cerclant la bouche à feu proche de l’extrémité |
Renfort cerclant la bouche à feu proche de la cuirasse |
Quintefeuille du bas avec deux pétales vers le haut |
Quintefeuille du bas avec un pétale vers le haut |
Intérieur du bandeau de la couronne lisse. |
Intérieur du bandeau de la couronne strié verticalement. |
On connaît des médailles ovales en bronze. Elles n’ont pas été prévues dans le décret de fondation. Il y en a une (à 7 boulets) dans la collection Brouwet qui porte des traces de dorure (remplacement pour une en or, perdue ?). Son coin semble encore différent des précédents au niveau du cerclage des bouches à feu8. Hessenthal et Schreiber signalent aussi des exemplaires sur lesquels manque le ¨ sur l’U de FUR (FÜR)9.
Des exemplaires en fonte de fer cerclés d’argents existent aussi sans que l’on en connaisse l’origine précise10.
H. von Heyden présente les médailles à sept boulets comme étant une deuxième frappe11. Elles auraient été frappées à Paris pour des collectionneurs12.
L’ordre de la Couronne
En juillet 1808, Jérôme avait écrit à l’Empereur : « L’institution d’un ordre westphalien devrait plaire aux Allemands […] Votre Majesté connaît leur caractère, beaucoup d’entre eux ont été obligés de quitter leurs décorations et rien ne leur sera plus agréable que de voir fonder un nouvel ordre de leur royaume. »
Il imaginait appeler cet ordre l’ordre de l’Aigle bleu, car l’insigne de cet ordre serait une croix à huit pointes anglée de rayons et portant en son centre l’aigle westphalien. « Mais, écrivait-il à l’Empereur, rien n’est fait et ne le sera que Votre Majesté ne m’ait répondu ».
Mais Napoléon estime que la souveraineté de son cadet est trop récente pour qu’il honore si vite qui que ce soit.
Invité par son frère à Paris, le Roi s’y rend début novembre 1809. Il sera bientôt rejoint par la reine Catherine13.
Là enfin, il obtient de son frère l’autorisation tellement désirée de créer son ordre de chevalerie.
C’est ainsi que le décret de création est signé à Paris le 25 décembre 1809, troisième année du règne de Jérôme. Il sera publié dans le Moniteur westphalien le samedi 6 janvier 1810, jour même de la rentrée du couple royal à Cassel.
Il est prévu que l’ordre sera composé au maximum de dix grands commandeurs dont trois pourvus d’une commanderie, trente commandeurs et trois cents chevaliers. Le ruban sera gros bleu ; les grands commandeurs le porteront de l’épaule droite à la hanche gauche, les commandeurs en sautoir et les chevaliers à la boutonnière. Les grands commandeurs le porteront en sautoir les jours où ils n’auront pas le cordon au-dessus de l’habit. Le modèle du bijou est aussi fixé14.
Les bases légales étaient ainsi jetées de cet ordre dont il fallait maintenant organiser la grande chancellerie et rédiger les statuts particuliers.
Le Moniteur du 6 janvier informe que le dimanche 31 décembre précédent,
l’Empereur et le maréchal Berthier, prince de Neuchâtel et de Wagram avaient paru décorés du nouvel ordre, de même que, le lendemain 1er janvier, le vice-roi d’Italie, le prince Archichancelier et le duc de Cadore.
Quelle gloire pour la Westphalie, quel bonheur pour son Roi d’obtenir ainsi la consécration de son ordre par son frère, celui-là même qui, peu de temps auparavant, alors qu’on lui présentait les projets de bijoux, avait déclaré : « Il y a bien des bêtes dans cet ordre-là ! »15. Dorénavant, Jérôme ne devra plus mendier des décorations à
Louis, Joseph ou Murat lorsqu’il voudra faire plaisir à quelqu’un16.
Par décrets des 24 et 25 janvier 1810, les soixante-six premiers chevaliers de l’ordre étaient nommés, parmi lesquels les principaux ministres, officiers supérieurs et hauts fonctionnaires du royaume.
Les statuts de l’ordre, la grande chancellerie
Le 5 février 1810, le Roi décrète les statuts de l’ordre. Ceux-ci en définissent les grades, la décoration, les honneurs attachés aux grades, les pensions des membres et la dotation de l’ordre, la grande chancellerie, les costumes, la perte de la qualité de membre de l’ordre.
L’Ordre sera composé d’un maximum de dix grands commandeurs, dont trois ayant des grandes commanderies, trente commandeurs et trois cents chevaliers. Un décret du 15 août 1812 créera une quatrième classe, celle des chevaliers de deuxième classe, dont le nombre sera fixé à cinq cents. À partir de ce moment, on ne pourra devenir membre de la première classe sans l’avoir été de la seconde.
Ce décret affecte à la dotation dudit ordre les biens et revenus de l’abbaye de Quedlingbourg et ceux de la prévôté de Magdebourg. Cette dotation est destinée à la formation de trois grandes commanderies de six mille francs de revenus au moins, et de douze mille francs au plus, qui seront données à des grands commandeurs choisis par le Roi. Elle fournira aussi les pensions des membres de l’ordre, celles qui pourraient être accordées par décret à leurs femmes et enfants ainsi qu’au traitement attaché aux médailles d’honneur pour sous-officiers et soldats.
La grande chancellerie est organisée. Elle sera dirigée par un grand chancelier nommé par le Roi parmi les grands commandeurs ; il aura le rang et les prérogatives des ministres d’État. Il aura sous ses ordres un trésorier et un administrateur général, un administrateur des biens formant la dotation et tous les employés nécessaires à la chancellerie ainsi qu’il sera réglé par le grand-conseil de l’ordre. Celui-ci se composera, sous la présidence royale, du grand chancelier et de cinq autres grands commandeurs. En cas de vacance, il pourra être fait appel à des commandeurs pour remplir le nombre de six. Le secrétariat en sera assuré par le trésorier-administrateur-général.
Un conseil intérieur de chancellerie, composé de quatre membres pris indistinctement parmi les grands commandeurs et les commandeurs, sera présidé par le grand chancelier qui le convoquera chaque fois que les affaires l’exigeront. Son secrétariat sera assuré par l’administrateur des biens de l’ordre.
Le 5 février 1810, le comte de Fürstenstein est nommé grand chancelier provisoire.
Le commandeur baron de Munchhausen est nommé trésorier-administrateur de l’ordre le 9 mars 1810.
En 1812, les membres du Conseil intérieur sont les commandeurs comtes de Bocholtz, baron de Patje, comte de Merveld, et le commandeur de Bar, nommés le 9 février 1812.
Par décret du 25 décembre 1812, le baron de Schulte, conseiller d’État, est nommé trésorier général, et l’auditeur Müller, caissier.
Le 24 avril 1813, le comte de Bocholz est nommé grand chancelier ; il prête serment en tant que tel entre les mains du Roi le 2 mai 1813.
Les dotations et l’administration des biens de l’ordre
Dans le but d’assurer les revenus accordés aux membres de l’ordre et de pourvoir au bien-être de leurs familles, un décret du 31 janvier 1810 organise les dotations de l’ordre.
Les biens et revenus de l’ancienne abbaye de Quedlinbourg et de l’ancienne prévôté de la cathédrale à Magdebourg sont affectés à perpétuité à l’ordre de la Couronne de Westphalie.
Il y a aussi à Werben, district de Stendal, département de l’Elbe, un domaine comprenant des terres labourables, prés, jardins, pacages, revenus de biens emphytéotiques, des bâtiments d’habitation et d’exploitation et un cheptel. Le bail de ce domaine sera mis en adjudication au plus offrant sur mise à prix à partir de 5.100 francs le 25 mars 1812.
Le 21 mai 1812, il est procédé à l’adjudication du bail de la bergerie de Rothensee bien de l’ordre dans le district de Magdebourg. Mise à prix : 1.400 thalers en or. Le lendemain, c’est le bail de l’île de l’Elbe dite Rothenseer Zuwachs qui est proposé à l’adjudication avec une mise à prix de 800 thalers-or. Un décret du 16 février 1810 supprime l’ordre de Malte de Saint-Jean de Jérusalem dans toute l’étendue du Royaume et rattache tous ses biens, domaines et revenus, de quelque nature qu’ils soient, à la dotation de l’ordre de la Couronne.
Tous ces biens seront administrés par le trésorier et administrateur général de l’ordre, sous la direction du grand chancelier.
L’administrateur particulier des biens de l’ordre est Mr Schoenhals, directeur du bailliage de Hesse à Marburg.
La maison d’éducation
Le Roi s’était réservé le droit d’établir une maison royale pour l’éducation des filles des membres de l’ordre.
Dans le décret du 31 janvier 1810, diverses dispositions concernent l’établissement de cette maison qui sera administrée par des règlements particuliers.
Elle devra être établie à Kauffungen, dans le local du chapitre de ce nom, dont les revenus, en tant qu’ils excédent la dépense annuelle, seront affectés à la fondation de la maison. Les personnes qui percevaient des bénéfices sur les fonds dudit chapitre continueront cependant d’en jouir pour le reste de leur vie.
Le nombre d’élèves sera de vingt-cinq, mais pourra être porté à cinquante. Elles recevront, à leur mariage, une dot de douze mille francs sur les fonds de l’ordre, mais il ne pourra être accordé que deux dots par an.
Le grand chancelier aura la surveillance de cette maison d’éducation et présentera au Roi les élèves et les dames chargées de leur éducation.
Les élèves devront être filles, soeurs, nièces ou cousines germaines des membres de l’ordre. Vingt d’entre elles, qui devront être filles ou soeurs de membres de l’ordre, seront élevées aux frais de l’ordre, quinze seront admises en payant la demi-pension (400 francs) et quinze en payant la pension entière (800 francs). Toutes devront, à leur entrée, déposer dans la caisse la somme de cinq cents francs17 représentant la valeur de leur trousseau qui sera fourni par la maison.
Pour être admises, les candidates doivent avoir atteint l’âge de dix ans et avoir été vaccinées.
Aucune élève ne pourra être retirée avant l’âge de dix-huit ans à moins que ce ne soit pour se marier. Cependant il sera loisible aux pères et mères de retirer leur enfant avant cet âge, mais dans ce cas, le droit sur la dot sera perdu. À moins d’une autorisation spéciale, nulle ne pourra rester dans la maison après l’âge de vingt ans.
Une surintendante, nommée par le Roi sur proposition de la princesse protectrice, dirigera la maison. Elle proposera, pour l’aider, la nomination de trois dames dignitaires qui exerceront les fonctions de trésorière, économe et dépositaire.
Il y aura quatre dames de première classe (qui seront institutrices et surveillantes) et huit de deuxième classe (qui seront maîtresses des études, maîtresses de travaux à l’aiguille, de musique et de dessin et l’infirmière).
Les insignes de l’ordre, leur port et le costume de l’ordre
Dès avant le décret de création, un projet de décoration avait vu le jour et un prototype avait été fabriqué (Ill. 4).
Les statuts du 5 février 1810 décrivent le premier modèle des insignes de l’ordre et la manière de les porter (art. 5 à 10). La décoration sera une médaille d’or à jour surmontée d’une aigle impériale couronnée et tenant dans ses serres un foudre portant l’inscription « Je les unis ». Le tour de la médaille sera formé par un serpent se mordant la queue (ouroboros), serpent cosmique symbole de ce qui n’a ni commencement ni fin, expression de l’univers infini. Dans le champ de la médaille et dans la partie supérieure seront, à droite un lion couronné (Hesse) et à gauche un cheval (Westphalie) ; dans la partie inférieure, au milieu de deux branches de chêne et de laurier, seront un lion (Brunswick) et une aigle (Magdebourg) coupés par moitié et réunis sous une couronne. L’aigle tiendra un sceptre dans sa serre droite. Au-dessous du foudre et dans la partie supérieure de la médaille sera un ruban émaillé de bleu portant la devise « Character und Aufrichtigkeit » et au revers, la date de fondation : « Errichtet den XXV dec. MDCCCIX ».
Un insigne de ce type, ayant appartenu à l’archichancelier Cambacérès, existe dans les collections du musée national de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie 18 (Ill. 5).
Ce modèle sera remplacé dès le 24 avril 1810 par une décoration en or 19, qui rappelle dans sa forme la Couronne de Fer d’Italie, composée d’une couronne à huit fleurons d’or sans absides, posée sur un bandeau émaillé bleu sur lequel sont écrites en lettres romaines en or et dans tout son pourtour, la devise de l’ordre : CHARACTER UND AUFRICHTIGKEIT ainsi que la date de fondation : ERRICHTET DEN XXV DEC. MDCCCIX. Sur le fond de la couronne et au milieu sont une aigle et un lion adossés et couronnés par une seule couronne. À droite, du côté du lion, est le cheval de Westphalie ; à gauche, du côté de l’aigle, est un lion. Le tout est surmonté de l’aigle impériale couronnée et portée sur son foudre, sur lequel est écrit JE LES UNIS. La décoration est suspendue au ruban par un anneau ayant la forme d’un ouroboros (Ill. 6 et 7).
Le revers est semblable, avec la différence que, sur l’aigle et le lion, il y a un écu, parfois émaillé de bleu, sur lequel sont les lettres HN entrelacées.
Divers orfèvres ont fabriqué ces insignes tant en France qu’en Allemagne.
Des insignes de l’ordre ont été ornés de perles ou de diamants.
Il a été aussi fabriqué des réductions de diverses tailles, tant en or qu’en argent, parfois à revers lisse 20.
La tête de l’aigle est généralement tournée à gauche, mais on peut trouver des décorations avec la tête à droite 21.
Bien que l’ordre ait été supprimé en 1814, sous le second Empire, il fut encore fabriqué des bijoux en argent et argent doré.
D’après les statuts, les chevaliers porteront la décoration attachée à la boutonnière par un ruban gros bleu moiré de deux doigts de large ; les commandeurs la porteront en sautoir, suspendue à un ruban de trois doigts ; les grands commandeurs la porteront par-dessus l’habit à l’extrémité d’un ruban de quatre pouces (Zoll 22) de large qu’ils placeront de droite à gauche ; et dans les jours de solennité, ils la suspendront à un collier d’or sur leur poitrine.
Les grands commandeurs porteront en outre sur le côté gauche de la poitrine une plaque d’argent à six rayons principaux séparés entre eux par sept rayons de plus petite dimension réunis au centre. Dans le milieu de la plaque seront figurés en or les divers emblèmes composant la décoration de l’ordre qui seront entourés par un large cercle en émail bleu à double bordure d’or sur lequel sera inscrite la devise de l’ordre :
« Character und Aufrichtigkeit ».
Il y a diverses interprétations du modèle de plaque.
- Plaque entièrement brodée et sans devise 23.
- Plaque brodée de 120 mm, centre en argent non émaillé rayonnant 24.
- Plaque brodée de 110 mm, les rayons convergents vers le centre sont visibles au travers du médaillon central avec applications en or, légende émaillée25 (Ill. 8).
- Plaque du même type que la précédente, de grandes dimensions (165 mm), probablement plaque de manteau, ayant appartenu au grand commandeur Siméon, brodée par Adam Wiederhold, brodeur de la Cour à Cassel 26.
- Plaque brodée avec centre plein non rayonnant et lisse (88 mm)27.
- Plaque en argent à pointes de diamant, avec centre lisse en argent, or et émail, ayant appartenu à Cambacérès (Ill. 9). Elle a été fabriquée par « Coudray, anciennement vis-à-vis Henri IV. Fabrique les croix de tous les ordres, rue du Roule n° 17 à Paris ». (112,8 mm) 28.
Toutes ces plaques étaient cousues sur l’habit par des oeillets présents aux extrémités des rayons.
- Sous le second Empire, Kretly, au Palais Royal, a fabriqué une plaque à pointes de diamant en argent, or et émail, avec centre granuleux et, au revers, deux crochets et une épingle basculante pour la fixation. (83,5 mm)29.
Les statuts de 1810 ainsi que l’iconographie de l’époque nous montrent l’existence d’un collier de l’ordre pour les dignitaires (Ill. 10).
Ce collier figure le bijou de l’ordre suspendu par ses côtés à une chaîne formée de médaillons représentant le cheval de Westphalie, le lion de Hesse, le lion de Brunswick adossé à l’aigle de Magdebourg. Ces médaillons qui se répètent sont séparés par l’aigle impériale.
Les statuts de 1810 fixent les costumes de l’ordre pour les jours de cérémonies. Il sera composé, pour les grands commandeurs, d’un habit de drap couleur ventre de biche, collet et parements bleu ciel, broderie en argent sur toutes les boutonnières, au collet et aux parements ; veste et culotte blanches, bouffettes aux jarretières et aux souliers, aiguillette d’argent sur l’épaule droite, écharpe de soie blanche à torsades d’argent, toque ou chapeau à la Henri IV, glaive en argent ; le manteau à l’espagnol, porté par-dessus l’habit, de couleur bleu ciel en velours, avec la plaque de l’ordre et le collier par-dessus le manteau. Les commandeurs porteront le même habit sans le manteau ; pour les chevaliers, l’habit sera seulement brodé au collet et aux parements.
Les attributions aux Westphaliens
Si l’on se réfère aux listes publiées, on dénombre 463 attributions à des militaires, civils ou ecclésiastiques westphaliens.
La proportion entre militaires et civils est de 71,5 / 28,5.
On constate globalement une prédominance des civils dans les deux dignités supérieures (grands commandeurs et commandeurs) où on trouve 15 militaires pour
23 civils (Ill. 11). Par contre, les deux classes de chevaliers sont très nettement militaires : ces derniers comptent pour 316 unités contre 109 civils (Ill. 12).
Contrairement à la Légion d’honneur, il n’y a pas de simples soldats dans l’ordre. C’est que pour eux, il existe la Médaille d’Honneur, un peu à l’image de ce qui existait en Autriche et dans beaucoup d’états allemands.
Les campagnes auxquelles participa l’armée westphalienne en Espagne et en Russie, ainsi que les évènements militaires et insurrectionnels de 1813 constituèrent des occasions importantes d’attribution aux officiers des troupes de Jérôme, qu’ils aient été officiers de l’active, du grade de sous-lieutenant à celui de général, inspecteurs et sous-inspecteurs aux revues, inspecteurs et officiers de la gendarmerie…
Pour ce qui concerne les civils, on y trouve des représentants de toutes les catégories de la « société » de l’époque. Citons, pêle-mêle, des diplomates, ministres, conseillers d’État, préfets, maires, agents d’administration des divers ministères, ingénieurs, professeurs d’université, magistrats, préfets de police, chambellans, administrateurs des mines, des eaux et forêts, des ponts et chaussées ou du trésor public…
On notera aussi la présence de quelques ecclésiastiques et représentants des cultes catholique, protestant et israélite.
Les attributions aux étrangers
À l’image de son auguste frère l’Empereur qui avait été sans doute un des premiers monarques à pratiquer à grande échelle l’échange de décorations avec les souverains étrangers30, le roi de Westphalie n’a pas manqué lui aussi de distribuer son ordre à des chefs d’État amis.
On a vu que l’Empereur avait reçu l’ordre le 31 décembre 1809, et d’autres personnalités françaises après lui.
Parmi les Français décorés, on notera :
Louis, roi de Hollande, 1810.
Le prince Borghèse, 1er janvier 1810.
Eugène, vice-roi d’Italie, 1er janvier 1810.
Murat, roi des Deux Siciles, 1810.
Le général Cavaignac, 1 er aide de camp de Murat, 1810.
M. Berthier, prince de Wagram et de Neufchâtel, vice connétable de l’Empire, 1er janvier 1810.
M. Cambacérès, archichancelier de l’Empire, 1er janvier1810.
M. Nompère de Champagny, duc de Cadore, ministre d’État, 1er janvier1810.
M. de Fürstenstein, comte, ministre secrétaire d’État et des Relations extérieures, 15 août 1810.
M. Siméon, comte et ministre de la Justice, 14 novembre 1811.
Le général Eblé, ministre de la Guerre de Westphalie, 1810.
L’ordre sera également offert au roi de Wurtemberg, au roi et au prince royal de Prusse, au roi de Suède et à Bernadotte, prince héritier de Suède (7 octobre 1810), au roi et au prince héritier de Bavière, au roi et au prince Christian de Danemark, au roi de Saxe, au grand-duc et au prince héritier de Hesse, au prince de Nassau-Weilburg et au grand-duc de Wurzbourg.
La fin de l’ordre
L’invasion de la Westphalie en 1813 provoqua l’écroulement du royaume.
Le 28 septembre 1813, les Russes de Czernischeff attaquent Cassel. Les hussards westphaliens, commandés par le vieux général von Schlieffen, alors âgé de 84 ans, défendent le pont menant au faubourg. En vain. Jérôme doit se retirer par la route de Francfort.
Mais une contre-attaque de l’armée royale appuyée par des troupes françaises permet au roi de rentrer dans sa capitale le 16 octobre.
En remerciement de leur dévouement dans ces circonstances, le général Alix reçoit le titre de comte de Freudenthal et le général von Schlieffen est fait grand commandeur de l’ordre de la Couronne. En lui remettant les insignes de sa nouvelle dignité, le roi, le prenant dans ses bras, lui dira : « Si j’avais à ma disposition une plus haute récompense, je vous la donnerais avec bonheur »31.
Mais c’est là le dernier soubresaut. Le 25 octobre, devant une nouvelle attaque des Alliés sur Cassel, Jérôme quitte définitivement son éphémère royaume.
Le prince Guillaume de Hesse, rentré dans ses États, adresse le 5 novembre une proclamation datée de Cassel 32. Il interdira le port de l’ordre. Il en sera de même en Prusse en 1815 33.
En France, l’article 4 de l’ordonnance royale du 19 juillet 1814 abolira l’ordre et défendra le port de sa décoration. Cette ordonnance sera confirmée le 28 juillet 1815.
Lorsqu’il rentrera d’exil en France en 1841, Jérôme continuera à porter son ordre.
Ainsi, Victor Hugo, parlant de l’ex-roi, écrira dans Choses vues : « Il était habituellement vêtu de noir avec une chaînette d’or à sa boutonnière où pendaient trois croix, la Légion d’honneur, la Couronne de Fer et son ordre de Westphalie créé par lui à l’imitation de la Couronne de Fer »34.
La noblesse du Royaume de Westphalie
Outre son ordre de la Couronne et ses Médailles d’honneur, le roi Jérôme dispose aussi, pour récompenser ses sujets, de titres de noblesse.
L’article 14 des Constitutions du Royaume prévoit en effet que « la noblesse continuera à subsister dans ses divers degrés et avec ses qualifications diverses, mais sans donner ni droit exclusif à aucun emploi et à aucune fonction ou dignité, ni exemption d’aucune charge publique ».
Ces titres furent reconnus par la Prusse pour autant qu’ils aient été attribués avant le 17 mars 1813, date de l’appel « An mein Volk » du roi Frédéric-Guillaume III de Prusse, mais ne semblent pas l’avoir été par les gouvernements de Brunswick, du Hanovre ou de la Hesse 35.
Notes de bas de pages
1 Bulletin des Lois et Décrets du Royaume de Westphalie/ Seconde édition officielle. À Cassel, de l’Imprimerie royale. 1810. (p. 6 et ss.).
2 Des listes des décorés de la Médaille d’honneur, de l’ordre de la Couronne et d’attributaires de titres de noblesse seront publiées dans mon ouvrage à paraître sur les marques d’honneur du royaume de Westphalie.
3 Bulletin des Lois et Décrets du Royaume de Westphalie/ Seconde édition officielle. À Cassel, de l’Imprimerie royale. 1811. (p. 54 et ss.).
4 On connaît une médaille d’or du premier type mesurant 28 mm de diamètre. Catalogue Thies, 6/7/1991, n° 136.
5 Collections du prince de Monaco et collection Mattei in Bourdier.
6 Pour bravoure et bonne conduite.
7 Il existe une variante présentant des tas de sept boulets.
8 Deploige (G.) : Les distinctions honorifiques de la collection Brouwet au Musée Royal de l’Armée à Bruxelles. MRA-KL. Bruxelles. 2006.
9 Hessenthal et Schreiber : Die Ehrenzeichen des Deutschen Reiches. Verlag Uniformen-Markt Otto Dietrich. Berlin SW 68.
10 Thies (A.), vente du 06/07/1991, n° 137.
11 Heyden (Hermann von) : Ehren-Zeichen (Kriegs-Denkzeichen, Verdienst- und Dienstalters-Zeichen) der erloschenen und blühenden Staaten Deutschlands und Österreich-Ungarns.
H. Keller. Frankfurt a. M. 1897.
12 Hessenthal et Schreiber, op. cit.
13 Martinet (A.) : Jérôme Napoléon Roi de Westphalie. Librairie P. Ollendorff. Paris. 1902.
14 Pour les divers modèles de bijoux, voir infra.
15 X… : Un Roi qui s’amusait et la Cour de Westphalie de 1807 à 1813, par un Indiscret. Dentu. Paris. 1888.
16 Bertaut (J.) : Le Roi Jérôme. Flammarion. Paris. 1954.
17 L’Almanach de Westphalie 1812 donne la somme de 300 fr.
18 MNLHOC 07825-1.
19 Les chevaliers de deuxième classe porteront la décoration en argent.
20 Vente A. Thies 48, 2012, n°183 ; vente Missilier à Lyon, 28-29/10/1989, n° 71 ; Deploige (G.), op. cit.
21 Collignon (J.-P.) : Ordres de Chevalerie. Décorations et médailles de France. Collignon. 2004. n° 536.
22 1 pouce (zoll) = 2,634 cm.
23 Bourdier (C.) : Les ordres français et les Récompenses nationales. Bourdier, Paris. 1977. p. 124.
24 Collignon (J.-P.), op. cit., n° 539.
25 Collignon (J.-P.), op. cit., n° 538.
26 Catalogue A. Thies 52, 2012. n° 89.
27 Deploige (G.), op. cit., p. 344.
28 Collignon (J.-P.), op. cit., n° 540.
29 Collignon (J.-P.), op. cit., n° 541.
30 Kerautret (M.) : « La diplomatie des échanges de décorations, une invention napoléonienne ». In La Berline de Napoléon. Le Mystère du butin de Waterloo. Albin Michel. Paris. 2012.
31 Martinet (A.), op. cit.
32 Allgemeine Kasselsche Zeitung, 8 novembre 1813.
33 A. Thies : vente du 06 juillet 1991, p. 54.
34 Bertaut (J.), op. cit.
35 Graf von Oeynhausen : Verzeichniss der Standeshöhungen in ehemaligen Königreich Westfalen. In Deutsche Herold, 1874.
Sources et bibliographie
Sources imprimées.
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Almanach de Westphalie. À Cassel, de l’Imprimerie royale. Années 1811 à 1813.
Bulletin des lois du royaume de Westphalie. À Cassel, de l’Imprimerie J. H. Martin Aubel. Années 1807 à 1813.
Almanach impérial. Paris, Testu. Années 1810 à 1813.
Allgemeine Kasselsche Zeitung, 8 novembre 1813.
Bibliographie.
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