L'Ordre du Lion de Norvège
Anne de Chefdebien
L’ordre du Lion de Norvège a été institué par le roi Oscar II, roi de Suède et de Norvège, le 21 janvier 1904, jour de son anniversaire, afin que la Norvège dispose d’un ordre de chevalerie de prestige à l’instar de l’ordre suédois des Séraphins. Le nouvel ordre prenait donc le pas sur l’ordre de Saint-Olaf, créé en 1847 par Oscar Ier, protocolairement inférieur au premier ordre suédois.
Ce prestigieux ordre fut très éphémère. Il tomba en désuétude lors de la séparation de la Norvège et de la Suède le 26 octobre 1905 ; le nouveau roi de Norvège, Haakon VII, ne le porta pas, le laissa s’éteindre et l’abolit officiellement le 11 mars 1952. L’ordre devait compter 12 chevaliers, compte non tenu de la famille royale et des souverains et chefs d’État étrangers. En fait, il ne fut décerné qu’à onze titulaires et ne comprit aucun chevalier norvégien. En dehors du roi Oscar II et des six princes de sa famille nommés le jour de la création, la liste des chevaliers se limite aux trois souverains d’Allemagne, d’Autriche et du Danemark : Guillaume II (27 janvier 1904), François-Joseph (5 avril 1904) et Christian IX (10 septembre 1904) et au président de la République Française, Émile Loubet, le 1er décembre 1904. En retour, les princes Gustave-Adolphe et Guillaume de Suède reçurent la grand-croix de la Légion d’honneur, le 18 décembre 1904. Le roi Oscar II en était déjà décoré depuis le 31 mai 1856 en tant que prince héritier. Émile Loubet avait déjà reçu l’ordre des Séraphins en avril 1899, lors de la visite officielle du roi de Suède et de Norvège en France.
À sa mort, l’ensemble de ses décorations passa à sa fille, Marguerite Soubeyran de Saint- Prix puis fut vendu par ses descendants à un antiquaire du midi de la France. C’est dans la famille de ce dernier que les insignes de l’ordre du Lion, plusieurs fois passés en vente, sans succès, ont pu être localisés et négociés. Grâce à un don de la Société des amis du musée de la Légion d’honneur, ils viennent enrichir notablement notre salle étrangère.
Les insignes du Lion de Norvège furent dessinés par Torolf Prytz (1858-1938), architecte et orfèvre norvégien, et fabriqués par la maison de joaillerie qu’il dirigeait, Tostrup Kristiania. Ils se composent d’un collier alternant le monogramme du roi, un O couronné et des lions, d’un grand cordon et d’une plaque. Le pendentif est formé d’un médaillon ovale en or, cerclé de feuillages portant à l’avers, sur champs d’émail rouge le lion rampant brandissant la hache de saint Olaf et au revers la devise de l’ordre : OVER DYBET MOD HØIDEN (des profondeurs vers les hauteurs). La plaque, composée de huit branches émaillées blanc, porte en son centre le lion de l’ordre dans une couronne de feuillages ceinte d’une réduction du collier. Elle est signée par le fabricant au revers. Le cordon était en soie moirée bleue avec des bandes latérales rouges et blanches.
Il ne fut fabriqué que onze ensembles d’insignes, la plupart conservés au château royal de Stockholm, un seul restant à Oslo.
L’écrin du président Loubet, un des rarissimes exemplaires qui était encore en main privée, ne comporte pas le collier, mais seulement le pendentif et la plaque dans la boîte d’origine. Le ruban, par contre, est celui d’un ordre coréen, l’ordre des huit Trigrams, échangé probablement à la suite d’une confusion d’écrins après la mort du président.