Couronne de Chêne : des croix de Commandeurs……qui n’en sont pas (2022-S-1)
Par Jean-Luc Guitera
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Note liminaire : les informations figurant dans cet article sont issues principalement de l’ouvrage sur la Couronne de Chêne de MM. Mulder et Christiaans (1999) aimablement communiqué à l’auteur par George Sanders, conservateur du musée de Het Loo. Les mesures d’objets sont tirées de catalogues de vente aux enchères et d’objets figurant dans des collections privées.
L’ordre de la Couronne du Chêne a été créé le 29 décembre 1841 par le roi Guillaume II des Pays-Bas dans sa capacité de Grand-Duc de Luxembourg. L’ordre a comporté 4 classes jusqu’en 1858 où une classe a été ajoutée entre la 3e et la 4e (qui est devenue la 5e).
Guillaume II avait reçu la 2e classe de l’ordre russe de Saint-Georges lors des guerres napoléoniennes et il en était très fier. À ce titre, le dessin de l’ordre de la couronne de Chêne est très proche de celui de l’ordre de Saint-Georges. Il convient de noter à ce stade que les croix de l’ordre de Saint-Georges dans la deuxième moitié du XIXe siècle avaient la taille et se portaient de la manière suivante :
1cl Écharpe et Plaque Largeur 54 mm
2cl Sautoir et Plaque Largeur 47 mm
3cl Sautoir Largeur 42 mm
4cl Poitrine Largeur 38 mm
Les statuts de 1841 avaient prévu les dispositions suivantes dans leur article 6 :
« Les marques distinctives sont les suivantes :
Pour les Grand-Croix (i.e 1cl) : La décoration de l’Ordre placée sur le côté gauche (i.e une plaque) et le bijou de l’ordre suspendu en écharpe à un ruban large de quatre doigts (…)
Pour les Chevaliers de l’Étoile (2cl) : La décoration de l’Ordre placée sur le côté Gauche, et le bijou porté au cou en sautoir avec un ruban large de trois doigts
Pour les Commandeurs (3cl) : Le bijou de l’Ordre porté au cou en sautoir avec un ruban large de trois doigts
Pour les chevaliers (4 cl) : Le bijou de l’Ordre avec un ruban large de 2 doigts à la boutonnière »
(NDLR : le gras de la police a été ajouté)
En l’absence de précision sur la taille des bijoux, et sur la base de la taille identique des rubans, la majorité des auteurs et experts a considéré que la taille des bijoux de chevalier de l’Étoile / Grand officier et de commandeur devait être identique, et que les variations rencontrées devaient être dues à des fantaisies de fabricants.
Le livre de MM. Mulder et Christiaans précité contient un certain nombre d’extraits de factures de fournisseurs de l’ordre pendant la période hollandaise (jusqu’en 1890) :
Prix relevés lors des appels d'offres de la chancellerie de l'ordre |
||||||
(1884 vermeil, avant or) |
||||||
Grade |
AM Moussault |
AF Bron |
AM Moussault |
|
Becht & Elbers |
Van Maarseven |
1855 |
1857 |
1864 |
|
1864 |
1884 |
|
Grand-Croix |
60 |
65 |
58 |
|
56 |
35 |
Chevalier de l'Étoile / Grand Officier |
50 |
56 |
47,5 |
|
47 |
30 |
Commandeur |
30 |
38 |
38 |
|
38 |
25 |
Officier |
NA |
NA |
39,5 |
|
36 |
30 |
Chevalier de l'Étoile / Grand Officier |
30 |
26 |
28,5 |
|
26 |
20 |
N. B. La croix d'officier est plus chère en raison de sa complexité (couronne de feuilles de chêne entre les branches de la croix |
Il existe 2 et non pas 1 taille de bijou porté en sautoir. Ceci est cohérent avec le modèle d’origine, l’ordre de Saint-Georges.
Regardons maintenant la largeur des bijoux étudiés (datant tous du Second Empire et tous fabriqués par Auguste Moussault qui était le fournisseur du cabinet du Roi des Pays-Bas et Grand-Duc de Luxembourg) :
Grands-Croix[1] : Largeur 56, 57 et 58 mm
Chevalier de l’Étoile référencé comme tel (Castelnau)[2] : Largeur 53 mm
Bijoux de Chevalier de l’Étoile référencés par erreur comme commandeur dans des ventes publiques[3] : Largeur 53,5 et 53 mm.
Bijoux de commandeur en collection privée, ou correctement référencés comme commandeur dans les ventes publiques[4] : Largeur 44 et 45 mm
CONCLUSION : bien que ce ne soit pas inscrit dans les statuts, il y avait bien 2 tailles de bijoux portés en sautoir pour l’ordre de la couronne de Chêne avant 1891 : 53 mm (Chevalier de l’Étoile / GO) et 44 mm (Commandeur).
Sans que rien ne soit inscrit dans les textes, cette différence a disparu à partir de 1891, date à laquelle l’union personnelle entre le Grand-Duché de Luxembourg et les Pays-Bas a cessé et où la chancellerie de l’ordre a commencé à se fournir à Paris auprès de fournisseurs (Octave Lasnes, Bacqueville puis Arthus Bertrand) qui, n’ayant pas l’historique de la création de l’ordre, interpréteront les statuts comme ne prévoyant qu’une seule taille de bijou en sautoir).
Durant la période néerlandaise, les quantités suivantes de bijoux ont été décernées, étant entendu que ceux-ci étaient restituables :
Grand-Croix : 457
Chevalier de l’Étoile / Grand Officier : 514
Commandeurs : 1146.
[1] Ventes Galerie Numismatique 9 septembre 2008 lot 785, vente Osenat 7 avril 2019 lots 304 et 521
[2] Vente Beaussant-Lefèvre du 29 janvier 2014, lot 53
[3] Ventes Beaussant-Lefèvre du 31 mai 2017, lot 173 et 17 décembre 2021, lot 163
[4] Vente Beaussant-Lefèvre du 14 novembre 2012, lot 444 et vente Galerie Numismatique, 12 octobre 2015, lot 455