5 - Ceci nous ramène à l’histoire des insignes

Manteau des ordres de chevalerie

Les ordres de chevalerie se sont d’abord caractérisés par le port d’un manteau de couleur distinctive dont l’influence religieuse est évidente. Les manteaux des hospitaliers et des compagnons de la Jarretière ont été frappés d’une croix. L’apparition de « drapeaux » proprement dits (c’est-à-dire nationaux) remonte à la conférence de Gisors en 1188 où il fut convenu que pour la croisade les Français porteraient la croix rouge et les Anglais la croix blanche (ceci a duré jusqu’à la guerre de Cent Ans où une inversion s’est produite à l’initiative d’Édouard III qui réclamant la couronne de France a adopté la croix rouge française en 1335, poussant les Valois en 1355 à se distinguer par la croix blanche ; ce même phénomène d’inversion-captation s’est produit pour le Saint-Georges qui bien qu’il figurait sur le Florin de Philippe VI en 1346, a été choisi comme saint patron de la Jarretière). À partir du XVe siècle, les manteaux ont évolué pour devenir de plus en plus somptueux à l’image de ceux de la Toison d’or et surtout du Saint-Esprit (jusqu’à l’introduction en 1778 du petit costume adopté pour des raisons d’économies). Aujourd’hui, seuls les ordres britanniques (Jarretière, Chardon, Bain, Victorian Order, Saint-Michel et Saint-George, l’Empire britannique) utilisent toujours un manteau de velours frappé au côté d’une plaque brodée et destiné à être porté avec le collier de l’ordre lors des cérémonies. Pour leur part, Malte et le Saint-Sépulcre revêtent une tenue dont la cape est assez proche de la modeste bure des moines.

Les colliers

Les colliers sont d’apparition plus tardive et difficiles à étudier, car il reste très peu d‘exemplaires des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. En général du fait de leur valeur en métal précieux, les colliers n’étaient pas considérés comme la propriété du chevalier et devaient être restitués à la couronne au décès du récipiendaire (il en est toujours ainsi pour la grande chancellerie des ordres britanniques). Ils étaient alors démontés ou remontés en fonction de leur usure et du goût du jour. Le premier ordre à se doter d’un collier est celui de l’Annonciade (avec la symbolique des lacs d’amour), viennent ensuite la Toison d’or (avec le bélier-agneau mystique et toison d’argolide- et les briquets), Saint-Michel, la Jarretière sous Henri VII (à l’imitation des précédents) et, bien entendu, le Saint-Esprit (dont le modèle de collier avec des lettres aux références ésotériques fut modifié et simplifié par Henri IV en 1597). 

Médaillons et les croix

Pour leur part, les médaillons et les croix sont apparus avec l’évolution du costume civil et militaire. On a déjà évoqué l’influence et la postérité de la croix blanche de Malte (celle-ci a probablement une origine très ancienne liée au christianisme byzantin et moyen-oriental : sur les murs de Philae en Égypte, on trouve gravée des croix de cette forme si particulière qui datent du début du VIe siècle, époque où le temple fut transformé en Église). À partir du XVIe siècle, l’usage se répand de porter des insignes suspendus à un ruban de couleur. La première couleur utilisée a été le rouge (parfois en alternance avec le noir), couleur militaire par excellence, la plus fréquemment rencontrée en héraldique et couleur de commandement pour les Espagnols, ce qui explique qu’elle ait été retenue pour le pendentif de la Toison. L’autre couleur fondamentale est bien sûr le bleu, couleur de la famille capétienne, couleur céleste et mariale, adoptée d’abord par le Saint-Esprit et passée à la Jarretière. 

Les rubans

Les rubans ont été d’abord portés en sautoir, puis progressivement en écharpe au cours du XVIIe siècle (les statuts de la Jarretière ont consacré cette pratique en 1682 suite à une mode lancée par le duc de Richmond l’année précédente). La couleur des rubans des médailles arborées sur la poitrine a connu une diversité extraordinaire à partir du milieu du XVIIIe siècle et surtout du XIXe siècle.

Avec l’ordre de Marie-Thérèse on reste clairement dans une inspiration héraldique (les armes de l’archiduché d’Autriche). Par la suite, il devient presque impossible de suivre les raisons des diverses combinaisons de couleurs des médailles militaires et commémoratives (parfois cette combinaison constitue une sorte de rebus : ainsi la médaille britannique commémorative de la campagne du Soudan en 1898 figure un mince liséré rouge séparant du noir et du jaune ce qui est censé représenter la ligne anglaise adossée au désert et faisant face aux hordes derviches). L’évolution de la couleur des rubans a également répondu à des impératifs politiques : le bleu de la Jarretière rendu plus foncé en 1745 par le roi George II pour se distinguer des insignes distribués par le prétendant Stuart, l’utilisation du rouge de Saint-Louis par la Légion d’honneur, l’ordre soviétique de la gloire doté en 1941 des couleurs de l’Ordre impérial de Saint-Georges.

Les plaques

Les plaques sont les dernières venues dans la « panoplie » des marques des ordres de chevalerie. Les premières apparaissent avec l’institution du Saint-Esprit. Dans un esprit d’émulation (que nous avons déjà relevé), les statuts de la Jarretière officialisent en 1629 le port par les chevaliers d’une plaque sous forme de « soleil rayonnant ». Contrairement aux autres insignes qui étaient remis aux chevaliers et ne lui appartenaient en général pas, les plaques (ou croix) cousues sur le vêtement étaient des éléments ordinaires du costume qu’il convenait à chacun de se procurer. En dehors des pièces d’orfèvrerie (plaques en diamants des parures des rois bourbons et Hanovriens), les plaques en métal ne se généraliseront qu’à la fin du XVIIIe siècle et surtout à partir de 1810 –1830. La première plaque donnée officiellement avec les insignes de la Jarretière, le fut en 1855 à Napoléon III. Le modèle de cette plaque a lui-même énormément varié au XIXe siècle selon l’inspiration et le talent des joailliers avant de se fixer à compter de 1901 sur un modèle officiel que nous connaissons encore actuellement et qui est dit du type Stuart.

En guise de conclusion

Il est relativement difficile de trouver aujourd’hui des insignes du XVIIIe siècle et plus encore des XVIe et XVIIe. Ceci peut s’expliquer par le port quotidien d’objets de fabrication artisanale et qui étaient changés dès lors qu’ils étaient endommagés, ou fondus au gré des modes et des successions (ainsi en a-t-on disposé des magnifiques ensembles possédés par le roi Georges IV). En France, les croix du Saint-Esprit portées par les membres de la famille royale étaient remplacées tous les ans, car elles s’abîmaient en frottant sur la poignée de l’épée.

La Révolution française a fait un véritable ravage des colliers et des croix d’Ancien régime qui durent être portés à la fonte dans les municipalités à la suite du décret du 28 juillet 1793 déclarant suspects les possesseurs de ces insignes (bien que 6 colliers du XVIIIe siècle furent restitués à la Chancellerie des Ordres entre 1816 et 1828, il ne semble plus exister de collier du Saint-Esprit d’Ancien régime et on dénombre à peine plus d’une douzaine de croix antérieures à la révolution).